Romain Garrouste
Docteur en écologie et biologie des populations de l’Université d’Aix -Marseille
Habilité à diriger les recherches (HDR) en biologie de l’Université de Toulon
Chercheur à l’Institut de Systématique Evolution Biodiversité du Muséum National d’Histoire Naturelle
Membre du Conseil Scientifique du Muséum National d’Histoire Naturelle
Membre de la Société Française d’Ecologie et de la Société Explorateurs Français
Membre de la commission des Réserves Biologiques du Var et du comité scientifique de la Réserve Naturelle Nationale de la Plaine des Maures
Paris le 10 octobre 2024
A l’intention de Madame Dominique de Lauzières et Monsieur Jacques Lavilette, garants de la consultation sur Port Grimaud
Je tiens à vous faire part de ma réflexion sur plusieurs aspects qui ont été portés à ma connaissance lors de la concertation entre la Mairie de Grimaud et les habitants et Associations syndicales de Port-Grimaud, vis-à-vis de projets concernant le plan d’eau et l’entrée de port.
Tout d’abord j’ai été témoin de la transformation des étangs côtiers du fond du Golfe, dont celui de Grimaud devenu Port-Grimaud où j’ai appris à marcher et nager et qui ont servi à l’éveil de ma curiosité naturaliste et scientifique.
Mon père, le docteur Louis Garrouste, médecin généraliste à Grimaud, lui-même naturaliste, a suivi cette évolution et il a été un acteur attentif de la santé publique dans la région, du fait de l’augmentation saisonnière importante de la population à chaque période estivale. Il a donc créé le Cabinet Médical de Port Grimaud avec le soutien de l’association syndicale, qui est au même endroit depuis toujours, place des 6 canons.
La transformation de cet étang côtier, auparavant soumis aux aléas hydrologiques et climatiques, ensemble de milieux écologiques aux multiples fonctionnalités, en une cité littorale habitée et utilisée pour la navigation n’a pas été sans conséquences sur ces milieux littoraux fragiles. Quelles transformations ont vraiment eu lieu ? Quels sont les milieux qui, en plus de 50 ans, se sont transformés ?, Quels sont les écosystèmes présents aujourd’hui ? Quels écosystèmes marins et littoraux s’y sont installés, quelles espèces s’y reproduisent aujourd’hui ? Comment peut-on aujourd’hui améliorer ce fonctionnement écologique nouveau et aider à la recréation d’habitats, favoriser la biodiversité ? Augmenter la naturalité des espaces et des paysages? Je me souviens encore de vol de flamant rose au dessus de la cité de Port-Grimaud il n’y a pas si longtemps. De premières observations citoyennes récentes et expertes (par la docteure Natacha Lamy) semblent montrer que nous avons négligé de nombreux aspects. La présence de certains habitats et espèces à statuts (protection régionale, nationale, ou internationale) le respect des conventions internationales (comme celle du Sanctuaire Pélagos) pourraient changer les règles en matière d’aménagement et de gestion des espaces. Ne pas faire de diagnostics dans ce sens serait coupable et pourrait s’orienter vers des recours juridiques.
Ces diagnostics de base manquent donc cruellement à toutes évaluations et projets d’envergures tels ceux prévus sur la passe d’entrée, liée au désensablement, et à des usages différents du plan d’eau issu de la nouvelle gestion municipale. Parmi les questions ouvertes, il y a les relations écologiques entre embouchure et estuaire de la Giscle, qui à ma connaissance n’ont jamais été étudiées convenablement.
Peut-être parce que des études préalables montrent depuis longtemps des pollutions importantes (comme aux métaux lourds) et que se pose où va se poser le problème de la dépollution (et de l’origine des pollutions). Mais c’est un autre problème (mais auquel il faudra se confronter également).
La science, et de fait l’ingénierie écologique peut apporter toutes les réponses pour comprendre ce qui serait le mieux pour ces nouveaux écosystèmes et leur fonctionnement actuel, accompagner les projets.
De ce fait, fréquemment, les études réalisées le plus souvent par de simples analyses bibliographiques pas toujours bien comprises, ne suffisent pas à donner les bonnes solutions.
Enfin, les milieux terrestres littoraux qui sont influencés par le milieu marin et qui euxmêmes influencent les milieux marins, ne doivent pas être négligés. Ils participent à la biodiversité des espaces littoraux. Par exemple la recréation de dunes sur les arrière-plages est essentielle, elles fixent les sédiments, augmentent la résilience de la bande littorale, pour résister à l’érosion littorale par exemple, et même aux submersions. Ainsi, les projets existants proches de la capitainerie de Port Grimaud devront être multipliés et préservés des atteintes éventuelles lors des projets d’agrandissement de cet équipement.
On ne peut pas dire que la Mairie ne prend pas soin de son territoire marin et de son littoral, il y a eu et il y a des initiatives, de la ComCom notamment et son Observatoire marin, des projets européens, mais avec ces projets précis il y a peut-être une précipitation liée à d’autres considérations.
Aujourd’hui les habitants de la cité de Port-Grimaud aspirent à une prise en compte et un respect de la biodiversité de ce territoire, pour en faire une cité écoresponsable. Il me semble que c’est une occasion unique pour les services de l’État, de la Région, de la Communauté de Communes, de la Mairie de Grimaud et ses délégations de Service public, pour aller ensemble dans ce sens, par une démarche citoyenne volontaire autant efficace qu’apaisée pour mettre en place cette gestion durable du futur dans un contexte écologique complexe, mais importante pour les générations futures.
Le golfe de Saint-Tropez (plus anciennement de Grimaud), est également un site unique de la côte méditerranéenne, avec de multiples enjeux et des fonctionnalités écologiques dégradées, avec des pollutions multiples, des atteintes par des espèces invasives, un accroissement constant de la population ou des surfaces artificialisées, qui ont des conséquences sur le milieu marin. Le fond du golfe n’est pas épargné, il cumule les impacts… et possède la concentration d’habitants la plus importante.
Ne rajoutons pas des impacts non maitrisés à cause d’études incomplètes.
Tous les habitants de Port-Grimaud, de la commune de Grimaud et de notre région sont concernés.
Je vous remercie de prendre en considération ces remarques et de permettre la mise en place d’études complémentaires, incluant un diagnostic écologique complet (habitats, inventaires d’espèces, fonctionnalités), des études hydrologiques précises, nécessaires avant tout aménagement et une concertation apaisée qui devra de fait être prolongée.
Veuillez, Madame et Monsieur, recevoir l’expression de ma considération distinguée.